Samedi, dernier soir d'un Mondial qui nous aura faire rire, pleurer, se retrouver et se rencontrer. Pour clore cette belle odyssée, quoi de mieux que la salle de l'Illiade ?
Arrivée un peu plus tôt, je me perds dans les couloirs, prenant la température de la soirée qui se prépare : la Finale Québec-Suisse. A la mesure de l'événement tant attendu et de cette grande salle que l'on annonce complète depuis des jours : une foule de logisticiens dont 3 duos à la billetterie, un stand crêpes qui carbure déjà et le bar qui écoule les dernières LoliBinch du Mondial.
En coulisses, les Suisses et les Québecois s'échauffent. Pendant qu'au buffet, ce sont les croques-monsieur de Diane qui chauffent.

20h. Il fait chaud dans la salle : les spectateurs brûlent d'impatience, et à 500, ça se ressent.

« Qu'on soit fâchés, qu'on soit contents, on va sacrer tout le temps ». Ça y est, l'hymne québecois s'invitent sur les lèvres du public qui chante leur refrain une dernière fois. On pige toujours pas le reste, mais c'est pas ça, « l'important ». Leur faisant suite, les Suisses déboulent, ballon à la main et kazootent leur dernier hymne dédicacé... « Ramenez la coupe à la maison ».



Un cri de guerre à Griezmann pour la Suisse et un « vive la France » côté Québec, plus tard, et le match est lancé : « Après la bataille », une première rencontre entre un déserteur et sa femme qui rêve de le voir en héros de guerre. Succession improbable d'un pin's volé sur le corps d'un soldat Polonais, d'un bisou sur la pomme d'Adam...jusqu'à un combat mortel de chatouillis.

On reste dans l'absurde, avec « Une intrigue à Venise » sur fond de Biennale mal organisée. On se demande « si l'Art n'est pas de l'art, alors qu'est-ce que l'Art ? » et devant une œuvre, si l'on doit « rire, pleurer ou vomir, Philippin ? ». Les musiciens aidant, accompagnés des bruitages d'instru de Malik, et de mimes réussis de ceux sur scène, on découvre enfin cette fameuse expo de... jazz-poterie. Concept.

On met 3 Suisses dehors un instant, pour la première comparée de ce soir : une Doublage vidéo, d'une scène de manga dans un café. Les 3 Québecois envoyés nous parlent de menstruations, nous font un schéma avec « l'homme, la femme et Jésus sur l'eau », et partent dans un fou rire devant un stylo qui ne se ferme pas. Le public est aussi hilare que le personnage de la vidéo.
Les 3 Suisses reviennent. Il va être difficile de faire aussi drôle... Et pourtant, ils y arrivent, à base de pamphlet « écrit uniquement en pictogramme », « de toi, plus moi, plus tous ceux qui sont seuls... Et une vague ». Fin sur une crise d'épilepsie pour le perso...et de rire, pour le public.

Nouvelle mixte, « Entre deux âges ». Un duo petit-fils et son « Papi, papi. Papi chulo ». Passés les moments d'émotion du début, notre petit vieux finit roulé dans la farine, ou plutôt dans la coke sud-américaine, embarqué contre son gré dans un trafic de drogue. Le portique de l'aéroport sonne. Et bim, pour le cardiaque ce sera fouille au...cœur. Chute sur un sauvetage in extemis par le petit-fils qui dézingue tous les flics.

Escalade de la violence avec les deux comparées qui suivent : « Mon Everest à moi ». En Suisse, un genre de Tanguy un poil plus testostéronné qui fait la misère à sa mère. « Mon seul objectif, c'est d'être fort. Fort et nu ». Ça s'achève sur un haltère lancé en travers de la tête de sa mère. Trash.
Le Québec, lui, nous fait une leçon de bullying : un petit caïd qui s'en prend à plus petit que soi. Jusqu'à se faire massacrer par la grande sœur, une géante jouée par Geneviève sur les épaules de David, avec Alexandre qui pose un slam sur cette « femme-montagne […] dans un troupeau de collines ». Acroba-poétique.

Ce n'est pas l'impro d'après qui va calmer le jeu avec une A la manière de Blacksad. Polar animalier, dans un « Requiem pour une star ». On croise un inspecteur Dickinson qui a perdu sa femme et sa fille dans de tragiques circonstances, ainsi qu'un reptile à la langue bien pendue, des ours qui jouent au poker dans un jazz-bar, une taupe, un serveur de cocktails paresseux qui tourne au ralenti, et toute une ménagerie qui vaudra aux deux équipes un Bien vu, et une Faute de cabotinage au paresseux québecois revenu...un peu trop tard dans l'impro.

A la mi-temps, retour en coulisses. On se demande s'il y a des enfants dans la salle chez les Suisses. Les Québecois veulent mettre des LoliBinch au frais, pour après. Et l'arbitre et ses assesseurs débattent sur la première mi-temps. Dans le couloir, Julien et Lova, le duo MC-DJ de ce soir répètent leur chorée d'entrée.

Puis le match se relance sur un duel burlesque. Une Pierre et le Loup, sans thème. Un Québecois, un Suisse. Louis-Philippe qui flippe sur un son de piano, et Malik qui roule des mécaniques sur une bonne grosse basse. Ça finit par dégainer flingues, bombes, et TNT, se réconcilier 2 secondes. Le temps de se planter, en traître, un couteau en plein cœur, le tout sous les rires du public.

On pose les guns un instant pour un peu plus de légèreté : « A fond les ballons ». Les Québecois nous invitent à l'anniversaire d'un gamin de 4 ans qui nous refait un remake de Là-Haut et s'envole au milieu d'oiseau sadique et hilare et d' « avion piquant ». La Suisse nous entraîne, elle, dans une fête foraine. On y retrouve un gosse abandonné depuis 2 semaines sur un carrousel, et surtout : une mère de famille désabusée et pas solvable face à son banquier qui pète un câble et shoote tous les ballons pour choper le gros nounours.

Puis on plonge sous « Le dôme de fer », un duo qui rêve de s'en échapper, face à une reine rancunière. Une histoire de vol d'assiette au buffet. On notera la cascade de David, qui arrive sur son cheval et saute debout sur une chaise. Décidément, les Québecois ont fait le Cirque du Soleil avant cette Finale.

Un peu de rêve pour la suite avec une Rêve de jouteurs. Les Suisses font appel à une enfant. Salomé, star de la soirée. Une dizaine d'années et une ambition non-égalée : devenir astrophysicienne. Les Suisses l'emmènent voir Mars, cueillir des salades pour sauver les vaches. Fin de l'impro, le public a fondu pour la jeune fille.


Le Québec passe après, avec une « Dramatique bien sentie ». Les adieux déchirants à une grande malade. Oui mais sauf que... C'était sans compter la main nourricière de leur coach Raphaël. Bourrage de bouche au moyen de bouffe du buffet. Ça se crache dessus, ça mange les miettes tombées au sol, ça s'étouffe à moitié. Résultat : le public, aussi, mais lui, de rire.

Après leur passage : interlude nettoyage de la scène. Un ballet de balai, interprété par Miré. Logistique au taquet. Bravo.

Le match arrive doucement à sa fin... D'ailleurs, le thème de la prochaine impro annonce le « Terminus ». Avec deux gars qui poireautent : « vous attendez l'avion sur le tarmac ? ». Enchaînement de pas de danse pour apprendre à diriger les avions à l'atterrissage. C'est barré mais drôle, et l'impro se conclue par une chorée d'anthologie.

Après la danse, place au chant : une géniale Top 50 « La compilation des facteurs » pour cette dernière. 10 min d'impro, des Bien-vu et surtout des pépites musicales. Retenons côté Québec (avec Alexandre), un rap sur les colis et une ébauche de breakdance, un jazz « Ca plane dans la Kangoo » où tout le public claque dans ses doigts, et côté Suisse, Malik qui nous chante une magnifique ballade d'un facteur dyslexique « J'avais bien vu le cœur dessiné. […] Une lettre d'amour donnée à un mort. […] Car je n'ai pas trouvé l'adresse », ainsi qu'un décapant Heavy Metal. Mais surtout : un magnifique duo de bossa nova « Au pied de la lettre ». Ping-pong de punchlines portées par de jolies voix sur fond de danse langoureuse. Allez, « si tu peux pas résister, viens m'écrire en lettre attachées ». Coup de cœur.

Après ces jolies déclarations, celles d'AnneSo et Camille, à la tête de Jouteurs en place, pour conclure ce Mondial et qui parlent de l'orga de celui-ci comme de celle d'un mariage. « 1 an ½ à choisir les dates, trouver des salles, choisir une tenue, prévenir les invités... ». Derrière ce bel événement, et avant cette Finale, c'est beaucoup de boulot, et plein de personnes réunies...tout ça « pour l'amour de l'impro ». C'est beau.

Puis vient le moment d'annoncer le score : 7 à 6. C'était serré tant les deux équipes nous ont fait rêver. Mais c'est le Québec qui l'emporte, pour la deuxième année consécutive, et après une succession de victoires durant tout ce Mondial. C'était mérité. Comme la corvée, maintenant, de se trimballer le José en soute, pour le Mondial qui aura lieu chez eux, en 2020.

Clap de fin sur une dernière photo derrière le rideau, en mode « Where's Waldo ? » de l'impro.
C'est donc là-dessus que s'achève la compèt. Mais pas la fête. L'Illiade se vide, et le bar de l'Abattoir se remplit. Les heures filent, les Italiens et quelques autres, aussi. Les adieux se multiplient sur le trottoir. Pour les autres, on cherche un autre bar.
La décision est prise : avec les Belges, quelques Suisses, des Loliteux et un Québecois, on ira se brûler les ailes aux Café des Anges. On en ressort déchus mais pas déçus.
Il est 6h, ou peut-être 7h... On a changé de bar comme on a changé d'heure. Pas encore tout à fait prêts à passer à l'heure d'hiver, on est restés à l'heure fêtée : celle du Mondial.

Allez, bon retour à la maison aux équipes. Et bon retour à la réalité, à tout le monde.
Merci encore et à très vite.

Compte-rendu : Fanny SORIANO

Toutes les photos (crédits : Ophélie Pavon, Daisy Gand) :